En revenant à Paris en septembre 2017 et en m’y installant (comprendre prendre un appartement avec un bail d’un an, une première pour moi), j’avais dans l’idée de passer un an sans voyager afin de remettre des sous de côté avant mon prochain départ. C’était sans compter sur ma rencontre avec Laetitia, rencontrée lors d’une soirée jeux, qui au détour d’une conversation me lance : « j’ai oublié mon passeport dans un bus polonais, il a été récupéré par la compagnie de bus et se trouve à présent à Varsovie! » Ni une, ni deux pour que l’idée d’y aller en stop émerge.

C’est ainsi que l’on se retrouve sur le quai du RER A à Bussy Saint Georges en ce dimanche matin du 14 janvier. Direction l’entrée de l’autoroute A4 qui se trouve à une petite vingtaine de minutes à pied. Ce spot n’a pas été choisi au hasard, mais conseillé de longue date sur le site Hitchwiki, la bible de l’autostoppeur, qui répertorie entre autre les meilleurs endroits pour faire du stop au départ de nombreuses grandes villes.

Il ne fait pas bien chaud, mais nous sommes couverts en conséquences, et surtout, il fait super beau !

Rapidement, une première voiture s’arrête et nous propose de nous déposer sur l’aire d’autoroute à quelques kilomètres de là. Nous sautons sur l’occasion car celle-ci comporte une station service et c’est un spot parfait pour trouver des conducteurs. En effet, ceux-ci sont à l’arrêt et nous pouvons les aborder pour leur demander directement s’ils sont d’accord pour nous prendre en stop.

Au delà de faire du stop, nous avons comme ambition durant ce voyage, de ne pas dépenser un centime. Non pas pour des raisons de radinerie mais bien parce que faire le pari de voyager sans argent, c’est faire le pari que l’Homme est humainement bon et que nous nous en sortirons quoi qu’il arrive. Cela a aussi pour intérêt de nous forcer à aborder des inconnu.e.s et donc à créer des liens.

Sur cette première aire d’autoroute, je me lance et je vais expliquer notre démarche dans la petite supérette. La réponse est immédiate : nous n’avons pas le droit, si vous vous empoisonnez ensuite, nous pourrions avoir des problèmes !

Réponse tout à fait recevable même si nos estomacs ne sont pas d’accord 🙂

Nous abordons ensuite plusieurs personnes et l’une d’entre elle me répond non car elle n’est pas d’humeur. Pour finalement dix minutes plus tard, me dire d’accord car elle a eu pitié de nous à nous voir tourner en rond. Heureusement pour nous car finalement dix minutes à attendre en stop, c’est comme si ce n’était rien.

Durant le trajet jusqu’à Reims, nous apprendrons que c’est la première fois qu’elle accepte de prendre des auto-stoppeurs. L’aspect « couple », qu’il soit avéré ou non, à largement joué dans son choix final. Si j’avais été tout seul, je serais encore sur le bord de la route !

Ensuite tout s’enchaîne assez rapidement pour cette première journée de stop. Nous avons chacun l’habitude et des bons réflexes : toujours s’assurer que l’on pourra se faire déposer sur une aire d’autoroute avec une station service !

Mais même avec une certaine expérience, on peut néanmoins parfois faire des mauvais choix ! C’est le cas en arrivant près de la frontière franco-allemande. Il faut dire que l’enchevêtrement des autoroutes à ce niveau est toujours un casse tête pour les pouceurs (comprendre ceux qui tendent le pouce).

On accepte un trajet qui nous amène de l’autre côté de la frontière, mais du côté du Luxembourg. C’est ainsi que l’on se retrouve à une station de service à la hauteur de Schengen et que par la même occasion, nous apprenons l’existence de cette ville. Nous connaissions bien entendu l’espace du même nom puisque nous en profitons allègrement pour voyager au sein de l’Union Européenne simplement armés de notre carte d’identité, mais nous ignorions l’un comme l’autre, que c’était une ville du Luxembourg !

A partir de ce moment là, notre efficacité horaire bat de l’aile. Cette station service voit arriver à la fois des Français, des Luxembourgeois et des Allemands. Pas facile donc de trouver chaussure à son pied. Nous trouverons finalement un couple de français qui est venu rendre visite à des ami.e.s au Luxembourg et qui rentre chez lui en France, mais en passant par l’Allemagne car c’est plus rapide. Ils connaissent une station service un peu avant Saarbruck, qui paraît-il sera un spot parfait !

Le stop implique de faire confiance, notamment lorsque nous ne connaissons pas le coin. Des personnes qui n’ont jamais fait de spot, imaginent parfois que certains endroits sont parfait alors que dans les faits, ils ne le sont pas du tout. C’est le cas de cette station service car elle est petite et juste avant Saarbrucken. Ce qui signifie que peu de personnes s’y arrêtent. Nous décidons de rentrer nous réchauffer à l’intérieur en attendant de repartir. Si nous ne trouvons personne, nous ne pourrons pas en repartir car le seul moyen d’accès est la voie rapide qui mène à la station service.

Là encore, le fait que nous puissions aborder directement les personnes joue en notre faveur et nous trouvons des français qui acceptent de nous déposer à Sarrebruck, aux abords de l’autoroute qui va vers Francfurt.

Une fois en ville, il est déjà 17h, il fait quasiment nuit, mais au moins nous sommes dans une grande ville et si nécessaire, nous pouvons nous y arrêter.

Notre bonne étoile est avec nous puisque une conductrice s’arrête, elle se rend à Kaiserlautern, à mi chemin vers Francfurt. C’est notre objectif du jour car cela nous permettait de parcourir 500 kilomètres dans la journée ce qui nous semble une bonne moyenne.

En chemin, nous comprenons que là encore, c’est la première fois qu’elle prend des autostoppeurs et que c’est dû au fait que nous étions une femme et un homme. Lorsque nous lui expliquons que nous souhaitons nous rendre à Francfurt le soir même mais que nous n’avons pas encore de logement, elle décroche spontanément son téléphone pour appeler sa soeur qui y habite. Malheureusement, celle-ci refuse !

Lorsqu’elle nous dépose à Kaiserlauder, il fait totalement nuit et la route sur laquelle elle nous dépose, bien que direct pour retourner sur l’autoroute pour Francfurt, ne présente aucun endroit pour s’arrêter en sécurité.

Après 30 minutes à attendre le pouce tendu, nous sommes frigorifiés. Nous décidons de nous accorder une petite pause et allons nous réchauffer au Burger King se situant à une centaine de mètres de là.

Ce voyage est l’occasion d’expérimenter de nombreuses premières fois : première fois que j’expérimente le stop à deux, première fois que je fais du stop sur une aussi grande distance sans avoir de points de chutes définis au milieu et première fois que je pars avec l’idée de ne pas dépenser d’argent pour me nourrir.

Au Burger King, nous expérimentons donc le grappillage ou l’art de se nourrir des restes laissés par les précédents clients. La technique est assez simple. Nous nous rendons à l’étage afin d’être un peu discret et regardons discrètement les plateaux au niveau de la desserte. Notre butin est très frugal puisque nous récupérons seulement quelques frites… froides…

Le ventre toujours vide et le moral dans les chaussettes, nous décidons de retourner faire du stop durant une demi heure avant de renoncer et de trouver un hébergement sur place pour la nuit.

Et juste au moment où nous désespérons vraiment, une voiture s’arrête à notre hauteur et à la lecture de notre panneau s’exclame « Francfort ? Oui montez je m’y rends! » Le stop à ce pouvoir de jouer au yoyo avec nos émotions.

C’est ainsi que nous finirons la journée dans une colocation de 15 personnes, nous serons nourri et logé et passerons une super soirée à discuter et à jouer à des jeux de société. Que demandez de plus ?

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