Le Vanuatu fait partie de ces pays très croyants où religion et superstition ont tendance à se mélanger. Si parfois certaines croyances font sourire, d’autres laissent un étrange sentiment de malaise. Le récit qui suit fait partie de ses aventures dont je me souviendrai toute ma vie mais dont je n’aimerais pas revivre les événements.

Le Vanuatu, c’est où ?

Le Vanuatu est un petit pays perdu au milieu du Pacifique Sud, à une heure d’avion de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit en fait d’un archipel composé de 83 îles dont certaines sont très peu voir inhabitées. A partir de la France, aller jusqu’au Vanuatu est déjà une expédition en soi : 30 heures de voyage minimum, trois avions différents… Une fois que vous êtes à Port Vila, la capitale, si vous souhaitez rejoindre une autre île, vous avez le choix entre l’avion ou le bateau. La deuxième solution est à privilégier si vous avez le temps et surtout le cœur bien accroché car la traversée peut être mouvementée et les bateaux pas vraiment aux dernières normes de sécurité.

Direction les Banks

Vu de la France, c’est le bout du monde. Le défi est alors d’aller encore plus loin à l’intérieur de ce pays. Direction les Banks, dans la province de Torba, la plus au Nord du Vanuatu. Nous sommes un groupe de trois. Pour aller tout au Nord, pas vol direct, nous passons par Santo, la plus grande île de l’archipel, pour continuer ensuite vers Mota Lava… Sur le trajet, la vue est dégagée et nous avons le loisir de contempler le volcan de Gaua vu du ciel… Il essaie désespérément d’envoyer des signaux de fumées mais personne ne semble lui répondre.

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Volcan actif de Gaua

A Mota Lava, une piste enherbée nous accueille vaille que vaille mais tout va bien, le pilote a l’habitude. Le temps de décharger rapidement, de recharger et l’avion repart. Il y a du monde à l’arrivée, ce doit être une des seules attractions du coin. Un unique bâtiment décrépi sert d’aéroport local. Nous ne nous y attardons pas car une petite marche de 2 heures 30 nous attend. En effet, la seule voiture de l’île est en panne, c’est donc à pied que nous rejoindrons notre destination finale, l’île de Rah. La randonnée est absolument magnifique et nous passons par des villages minuscules où le temps semble réellement s’être arrêté. Quelques cabanes en feuilles de bananiers entre les arbres, des enfants qui s’amusent avec trois fois rien, des femmes qui cuisinent et des hommes qui nous accompagnent en retournant chez eux après leur journée de travail, voici ce que Mota Lava nous offre. Niveau dépaysement nous sommes servis.

Destination finale

En sortant de la forêt, nous finissons notre excursion en longeant une plage de sable fin. Au loin, l’île de Rah se détache et grossit petit à petit. Dernière épreuve pour séjourner sur l’îlot, la traversée sur une pirogue « Taxi ». Le terme fait sourire lorsque l’on voit l’embarcation. Mais le capitaine connaît son métier et nous traversons au sec. Nous nous acquittons de 10 vatus chacun (environ 10 centimes d’euros) et nous reposons le pied sur la terre ferme.

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Bateau permettant de relier Mota Lava à Rah Island

Nous arrivons enfin à bon port. Nos cases nous attendent mais auparavant, nous avons le droit au traditionnel chant d’accueil par les femmes du village habillées en robe des îles accompagnées en musique par deux guitaristes. Même si chaque touriste qui vient séjourner sur cette île a droit au même cérémonial, c’est assez émouvant. Pour finir, nous recevons des couronnes de fleurs fraîches en signe de bienvenue. Le séjour peut commencer.

Le lieu est tout simplement paradisiaque, le bungalow donne sur l’océan et sa plage de sable fin. Le tour de l’île est rapidement fait en 30 minutes. C’est le moment de se détendre.

Au fil d’une discussion, un membre du village nous explique qu’il est originaire d’un atoll plus loin en mer mais que sa famille en est partie dans les années 60 suite à un ouragan dévastateur. Depuis, l’endroit est inhabité. L’idée de passer une nuit sur un îlot comme Robinson à son époque nous enchante. C’est ainsi que nous organisons l’expédition pour le lendemain. Finalement, même lorsque vous pensez être au bout du bout, il y a toujours quelque chose plus loin (eh oui la Terre est ronde !).

En route pour Reef Island

Le lendemain, de bon matin, nous embarquons avec le minimum vital : de l’eau, des machettes, un peu de corde, une bâche et un peu de nourriture (riz, bananes). Nous sommes 10 à bord, 4 Français, 1 Américain et 5 Nivan (locaux). Le temps est parfait et j’en profite pour bronzer sur la cabine du bateau en toute insouciance. Arrivés à l’atoll, nous déposons l’Américain sur l’îlot voisin car il veut passer 24h en totale autonomie. Notre îlot est de l’autre côté du lagon et lorsque je pose le pied sur le sable, je me sens vraiment au bout du monde. Une trentaine de mètres de large pour 200 mètres de long, bienvenue sur Reef Island, notre banc de sable pour la nuit. En bons « Robinson », il nous faut trouver notre nourriture. Quelques cocotiers présents sur l’île nous permettront de diversifier notre bol alimentaire. Nous partons à la pêche à la sagaie. Les Nivans démontrent une dextérité acquise au fil des années. Nous faisons bien piètre figure à côté. Heureusement, grâce à eux, nous mangerons à notre faim ce soir.

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Bilan de 2 heures de pêche

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Repas à la Robinson

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Cuisson du poisson

La soirée est ponctuée par des histoires franco-nivan au coin du feu. Un grand moment de convivialité et d’interculturalité. Nous nous endormons à même le sable, avec une simple bâche comme protection au dessus de nos têtes.

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On s’endort sous un ciel magnifique

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Spectacle surréaliste au réveil

Début du cauchemar

Réveil difficile à 6h du matin. C’est le déluge et déjà nous devons creuser une tranchée pour éviter l’inondation. Les heures passent et la pluie ne s’arrête pas. J’aide un des Nivans à écoper le bateau qui commence à être bien rempli. La visibilité est réduite à zéro et repartir dans ces conditions nous semble périlleux. 5 heures passent et toujours pas d’amélioration. Le plus âgé des Nivans nous explique que cela annonce peut être un ouragan et que nous ne pouvons pas rester ici et qu’il nous faut partir. Nous ne sommes pas rassurés mais nous lui faisons confiance. Le camp est rapidement rangé et alors que nous nous apprêtions à monter dans le bateau, le groupe de Nivans se met en rond et commence à dire une prière. Connaissant leur niveau de croyance et l’importance de la religion à leurs yeux, nous commençons à vraiment nous inquiéter. En effet, ce sont des pêcheurs de père en fils, ils connaissent la mer depuis qu’ils sont enfants et ils ont l’habitude de ses caprices. S’ils ont besoin de faire une prière avant de partir, c’est que la situation est sérieuse.

Nous embarquons et au bout de quelques secondes déjà, nous sommes bien secoués. Lorsque nous réalisons que nous sommes encore à l’intérieur du lagon et que par conséquent, la mer sera plus agitée en dehors, nous faisons moins les malins. Notre bateau est très petit et il ne pèse pas bien lourd face à l’océan.

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Le capitaine porte un masque pour y voir un peu

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En pleine tempête au milieu de l’océan en furie

En dépassant la barrière de corail, nous affrontons l’océan dans toute sa furie. Lorsque nous descendons dans le creux des vagues, nous ne voyons plus rien autour de nous sinon de l’eau. Nous commençons réellement à paniquer, surtout lorsque arrivé au sommet d’une vague, le bateau retombe sur plusieurs mètres avant de s’écraser sur l’eau dans un grand bruit qui fait craquer toute l’armature. Les minutes se suivent et se ressemblent. Vagues après vagues, c’est le même cauchemar, notre destination semble encore si lointaine que nous sommes en train d’imaginer le pire, se renverser au milieu de l’océan…

Terre !!!

Après une heure de navigation, nous arrivons à une autre île car les courants nous empêchent de revenir à Rah island. Au moins nous posons le pied sur la terre ferme. Nous sommes accueillis comme des rescapés par les gens du village qui nous hébergeront pour la nuit.La tempête est presque finie et le ciel commence à redevenir bleu, comme si notre traversée n’était qu’un mauvais rêve. Alors que nous sommes dans une case autour du feu à nous réchauffer et à récupérer de toutes ces émotions fortes, nous entendons un énorme craquement. Un arbre s’est déraciné juste à côté de notre habitation, heureusement à l’opposé. Décidément c’est notre journée.

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Un arbre s’écroule juste à côté de nous

Lorsque le chef du village arrive, il nous explique qu’il est aussi le chef de Reef Island. La tempête est arrivée car nous ne lui avions pas demandé l’autorisation d’y séjourner (les Nivans avec qui nous étions n’avaient pas réussi à le joindre la veille). Heureusement, nous étions avec des locaux car il aurait pu nous arriver pire. Ce n’était pas le cas de l’Américain, que nous avions récupéré en partant, et qui a quelque chose dans l’œil depuis quelques heures. Le chef nous explique qu’il doit procéder à un cérémonial sinon il perdra son œil. Ne voulant pas l’offenser, nous acceptons. Il nous explique en langue locale ce qu’il va faire : il va prendre des feuilles qu’il aura auparavant mâchées avant de les appliquer à différents endroits du corps de notre collègue américain. Malheureusement, nous avions mal compris et au lieu de lui appliquer sur le corps, il lui a craché dessus. Devant cette scène totalement inattendue, nous avons du faire preuve de beaucoup de maîtrise de nous pour ne pas rire.

Le soir, tout est calme et nous avons droit à un magnifique coucher de soleil sur l’océan.

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Coucher de soleil, le soir après notre traversée

Une journée très forte en émotions, allant d’un extrême à l’autre en quelques heures. Tout finira bien et nous nous endormons tranquillement dans une case prêtée le plus gentiment du monde par les habitants de ce village de pêcheurs.  J’ai eu l’impression de subir le sort des migrants de par le monde, que ce soit en Méditerranée ou ailleurs. La mer peut être très belle mais en même temps très dangereuse. La prochaine fois, je resterai sur la terre ferme !!

Ce coin du Vanuatu reste néanmoins paradisiaque et l’accueil réservé par les habitants fut au-delà de toutes nos attentes.

Et vous, avez vous vécu de pareilles aventures lors de vos voyages ?

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