Il fait beau, il neige la nuit, je suis au ski, un temps parfait. Malheureusement le deuxième jour, en manque d’affection, j’ai voulu faire un câlin à la neige, bilan un genou en vrac… Le point positif c’est que cela m’a donné du temps pour rencontrer un nouvel inconnu.

Alors que je me promène dans les rues de la Clusaz, je vois mon futur inconnu du jour qui prend le soleil, les yeux fermés, je n’ose le déranger dans ce moment de plénitude. Je continue mon tour mais lorsque je repasse quelques minutes plus tard, il est toujours là, je saute le pas et je l’aborde.

Une véritable introspection personnelle, un cheminement intérieur qui me parle beaucoup. Libre de me confier ce qu’il désirait, il n’a pas souhaité me communiquer son prénom, aujourd’hui ma rencontre du jour sera Inconnu.

Qui êtes vous ?

C’est une question pas facile d’y répondre spontanément comme ça. Je dirais qu’en général à un inconnu il y a peu de choses que j’ai envie de dévoiler de moi sauf si je me dis que je le reverrais peut être plus jamais. Là ça ouvre un peu plus, c’est plus facile de se confier. Est ce que tu n’as pas des questions plus précises ?

(qu’est ce que tu aimes dans la vie ?)

Je crois comme beaucoup d’hommes, les femmes (rires) sinon l’art. Je pense que l’art c’est ce que j’aime encore plus que les femmes.

Parmi tous les arts, l’art brut c’est ce qui me parle le plus, ce qui est sincère, ce qui vient de la personne, de façon presque direct, profonde. Les artistes qui m’intéressent le plus sont ceux qui sont un peu coupé du monde. Ce qui importe c’est la façon dont on le fait. L’art où l’on sent qu’il y a une énergie très forte, quelque chose d’instinctif, que même l’artiste ne comprend pas.

(est ce que tu as un artiste en particulier ?)

En peinture je dirais Lucian Freud, en scultpure un malien qui s’appelle Amahiguéré Dolo, c’est un Dogon et en écriture, certaines des oeuvres de Cocteau, Les Enfants Terribles, qu’il a écrit en 4 jours. Je pense qu’il ne s’est même pas relu quand il a écrit ce livre, c’est sortie d’un jet.

Je vois l’art comme quelque chose qui est à l’intérieur de la personne et qui doit sortir comme un exutoire, une sorte de libération, c’est comme une création qui dépasse la personne elle même, elle n’est plus qu’elle même un médium, un relais.

(qu’est ce que tu n’aimes pas ?)

Je n’aime pas ce qui est produit chimique en général que ce soit dans la nourriture (bonbon) ou le maquillage des femmes. Je ne pourrais pas embrasser la plus belle des femmes si elle avait du maquillage par exemple. Ce genre de choses là ce sont des choses qui me dégoutent.

Quel est votre rêve dans la vie ?

Arriver à ne plus exister, c’est une manière de voir les choses, se déconnecter de tout ce qui nous entoure. Quand je dis « ne plus exister » c’est plus se séparer de soi même, faire partie d’un flux dans lequel je cesserais d’être guidé par mes désirs, par les femmes. Dès que je me balade, si je réfléchis un petit peu, je me rends compte à quel point il y a énormément d’énergie qui est prise dans ces réflexions. Je pense que le moment où tu arrives à vraiment te déconnecter, c’est comme une libération. C’est marrant mais moins je veux aimer les gens et plus je les aime, plus je veux me déconnecter et plus je suis connecté. Il y a un aspect méditatif derrière cette prise de conscience.

Quel est votre meilleur souvenir ?

J’étais en Afrique, au Mali, en voyage dans un endroit assez sauvage et j’avais décidé de rentrer en ville sans guide, sans aucune aide. J’étais assez loin de toute ville. C’était l’aboutissement des jours auparavant qui m’avaient beaucoup marqué, même mes rêves avaient été forts et ce jour là j’étais prêt à accepter la mort.

Cela a été un cheminement pour revenir en ville. J’ai couru presque toute la journée sous le soleil pour revenir en ville avant la nuit. Il y avait énormément d’animaux sauvages donc je ne pouvais pas passer la nuit dehors. Sur le chemin à aucun moment je n’ai eu peur. L’émotion ressentie ce jour là dépasse tout ça. Si j’avais dû mourir ce jour là, j’aurais été heureux et je l’aurais accepté malgré mon âge.

Ce jour là je me suis rendu compte que j’ai réussi à me libérer de la peur tout en réalisant que je pouvais me battre sans me laisser aller. Que je sois arrivé ou pas n’avait pas d’importance, c’était le chemin qui importait et le fait de ne plus avoir  peur.

Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite ?

Ce qui a été le plus difficile pour moi et donc peut être le plus fou, c’est une histoire avec une femme. La femme dont j’ai été tellement amoureux, je pense même que c’est la femme que j’ai aimé le plus passionnément.

Quand je l’ai rencontré je me suis dit que je comprenais le terme « âme soeur » et c’était comme mon homologue au féminin. C’était tellement fort qu’il suffisait qu’elle ne soit pas loin pour que mon corps soit électrique.

Et donc la chose la plus folle que j’ai faite dans ma vie, alors que j’avais l’occasion que l’on soit ensemble, ça a été de le refuser, ça a été la chose la plus difficile que j’ai faite dans ma vie, de choisir de ne pas être avec cette personne alors que c’était possible.

(Pour quelle raison ?)

C’était tellement fort que ça me dépassait, comme quelque chose qui va tellement loin pour moi que ça m’a fait peur : qu’est ce qui va se passer si on se sépare ? Ou même si elle me demande de faire quelque chose de fou, je sais que je le ferais ! Peur aussi de perdre la tête, c’était une façon de se protéger. Parce que c’était trop fort j’ai préféré ne pas y toucher parce que je n’arrivais pas à le maîtriser et ça risquait de m’emporter.

Votre journée en un mot ?

Je pense que j’aurais du mal à te répondre sur ce que je vis aujourd’hui.

Quelle est votre définition du bonheur ?

« Arrêter de vouloir être heureux. » je pense que c’est ça qui nous fait le plus de tords, l’espoir ! Le jour où tu arrêtes de vouloir être heureux, tu te sens plus libre.

(est ce que tu es heureux aujourd’hui ?)

Non car j’ai trop de désirs.

Une citation, un proverbe qui vous guide dans la vie ?

« Ce n’est pas ce que tu fais dans la vie qui est important mais comment tu le fais. »